Bâtisseurs des briques et de broc, le coup de gueule de Martial Indoundou

AD – Libreville (Gabon) – Le président commet une erreur évitable, celle de croire que le Gabonais d’aujourd’hui va se contenter de s’enivrer de la contemplation des beaux édifices publics. Certes, le pays accuse un retard criant sur le plan des infrastructures, à comparer à d’autres qui étaient moins disants il y a quelques décennies encore, dénoncele journaliste Martial Idoundou sous une plume acerbe.
Mais de là à se dire que les gratte-ciel et autres monuments, certains étant de vrais éléphants blancs (à l’utilité discutable), suffiront pour impressionner et endormir les Gabonais est un pas qu’il convient de se garder de franchir.
En dehors de la forêt de béton qui pourrait pousser ici et là dans Libreville et ses environs, en dehors des échangeurs à donner le vertige, le pays a besoin d’une âme saine, qui accorde le privilège à l’excellence, au désintéressement, à la justice, à l’égalité des chances et au patriotisme, entre autres valeurs à promouvoir plus que jamais.
Or, depuis la transition, il ne me semble pas en prendre le chemin. La preuve : les nominations en Conseils des ministres puent toujours le tribalisme. Tous les concours administratifs et tous les recrutements dans les corps habillés ont été émaillés des maux qui ont caractérisé le régime déchu. La fraude, la concussion, la corruption, le népotisme et le favoritisme généralisé ont été dénoncés, preuves à l’appui, par les candidats lésés. Des personnes absentes de la liste des candidats, donc n’ayant jamais composé, sont par miracle déclarées admises. La gêne des autorités était telle que les admis (vraiment ?) à l’Ecole nationale d’administration (Ena) ont dû attendre plus d’un an avant de faire leur rentrée. Inédit dans l’histoire d’une Ena qui essayait de redorer son blason car elle a depuis belle lurette perdu son prestige d’une unité de formation de l’élite.
Malgré les professions de foi, les détournements de deniers publics se sont poursuivis sous la transition. Bien que les preuves aient été établies et qu’elles aient même circulé sur les réseaux sociaux, les auteurs ont bénéficié de l’impunité légendaire. Tout juste ont-ils été relevés de leurs fonctions à l’effet de simplement faire cesser l’indignation populaire et de leur permettre d’échapper ainsi au mépris public.
Même le paiement de la modique bourse scolaire n’a pas dérogé à la règle du détournement. A peine la bourse scolaire avait-elle été rétablie que des cris d’orfraie fusaient de partout. Horrifiée, la mère d’une brillante élève dut tourner une vidéo qu’elle balança sur les réseaux sociaux pour dénoncer l’injustice dont sa fille était victime.
Se souvenant des maux qu’il a évoqués (invoqués) le 30 août 2023 pour justifier la prise de pouvoir hors du schéma constitutionnel, le PR n’a de cesse d’appeler au renouveau et à la rupture.
Sauf que lui-même est pris en défaut. Son parti politique est, tout bien considéré, une tentative de blanchiment des bourreaux impitoyables des Gabonais.
Tout ceci concomitamment avec une opération de démolition à la hussarde de l’habitat spontané. Moins de deux mois après un plébiscite. Un record, là aussi !
Quant à l’Etat de droit, il continue de quémander le droit de cité. Comme sous le régime déchu, les officiers de police judiciaire peuvent se permettre de violer les franchises dont jouit le cabinet d’un avocat, en l’occurrence d’une avocate, de la même manière qu’ils allaient cueillir à domicile, en dehors du créneau horaire prescrit par la loi, des justiciables loin d’être des bandits de grand chemin.
Quel est le message qui est envoyé aux électeurs qui se sont mobilisés le 12 avril 2025 ? Qu’ils devraient corriger le tir le 27 septembre prochain ?