Travailleurs temporaires : le nouveau subterfuge des entreprises utilisatrices pour contourner la loi (Le travailleur indépendant)

Travailleurs temporaires : le nouveau subterfuge des entreprises utilisatrices pour contourner la loi (Le travailleur indépendant)
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AD – Libreville (Gabon) – Une nouvelle stratégie se généralise parmi les entreprises utilisatrices pour échapper à leurs obligations sociales : faire disparaître toute relation directe avec les travailleurs temporaires, tout en continuant à les exploiter sur les mêmes postes, avec les mêmes fonctions.

En changeant simplement d’agence de placement de personnel, tout en conservant les mêmes travailleurs. Dans certaines fonctions sensibles – installateurs de liaison internet, chargés de relation client, etc. – les profils qualifiés sont rares. Les remplacer n’est pas une option réaliste pour les entreprises.

Le tour de passe-passe est bien rôdé. Avec la complicité de l’entreprise utilisatrice, l’agence de placement procède à une transformation juridique : nouvelle entité, nouveau numéro d’immatriculation, mais même activité, même objet social, mêmes missions… et mêmes travailleurs. Objectif : interrompre artificiellement la continuité juridique de la relation de travail.

Pourquoi ?

Parce que l’article 31 du Code du travail prévoit que passé un délai de 24 mois consécutifs, un contrat de mission peut être requalifié en contrat à durée indéterminée (CDI) chez l’entreprise utilisatrice. À défaut d’interruption ou de justification valable, cette requalification s’impose… et engage la responsabilité directe de l’entreprise utilisatrice.

Avant même cette mutation juridique, une autre pratique détournait déjà l’esprit de la loi : faire signer un CDI au travailleur temporaire… mais chez l’agence de placement. Ce dernier continuait pourtant de travailler exclusivement pour l’entreprise utilisatrice, sur ses équipements, selon ses horaires et sous son autorité hiérarchique. Une hérésie juridique, car l’agence ne fait que du placement, et non l’exploitation directe d’un service productif.

Avec la création d’une « structure-clone » de l’agence, on ajoute une nouvelle couche d’artifice : l’illusion d’un changement rompt fictivement la relation contractuelle, réinitialise les compteurs et prolonge la précarité en toute légalité apparente.

Un parallèle troublant avec les pratiques anciennes

Ce type de montage rappelle les pratiques frauduleuses observées autrefois à la CNSS, où des employeurs peu scrupuleux changeaient de raison sociale pour effacer leurs dettes sociales, tout en poursuivant exactement la même activité. Ce procédé a été partiellement freiné par l’informatisation et la digitalisation du système de gestion, qui ont permis une meilleure traçabilité.

Ce que nous demandons

Nous appelons la CNSS à renforcer ses contrôles lors de la délivrance des attestations de soumission des agences de placement. Ces attestations conditionnent les renouvellements de contrats commerciaux avec les entreprises utilisatrices. Sans vigilance, elles deviennent un instrument de légitimation de la précarité.

Un exemple concret

Les travailleurs placés par Intérim Service Plus chez Moov Africa Gabon Telecom, sont progressivement reversés dans une structure-clone du même patron,  nommée Intérim Consulting, juste avant la période critique de requalification. Aucun changement de mission, de supérieur hiérarchique, ni d’environnement de travail. Officiellement, tout semble neuf. Mais dans les faits, rien n’a changé.

Ce tour de passe-passe permet à l’entreprise utilisatrice de se défausser de la coresponsabilité légale pourtant prévue par l’article 31 du Code du travail, en matière de salaires, de sécurité sociale, de conditions de travail.

Il est temps de mettre fin à cette exploitation organisée, qui perpétue la précarité en toute impunité, sous couvert de respect formel de la loi.

Il est temps d’exiger une application rigoureuse, cohérente et morale de la législation du travail.

 

APA/PIM/ad/25

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