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« La FEG doit être considérée comme la tête d’un train et les autres regroupements patronaux les wagons », estime Francis Jean Jacques EVOUNA

AD – Libreville (Gabon) – L’année 2023 est consacrée à la relance économique, ce qui se traduira par plusieurs actions dans différents domaines et notamment par la structuration des syndicats des employeurs (Structures Patronales) et la politique du gouvernement en matière de soutien aux PME. À cette occasion, le journal Le Temps a rencontré Francis Jean Jacques EVOUNA, Président du Conseil Gabonais du Patronat (CGP), pour une interview exclusive.

Francis Jean Jacques EVOUNA, Président du CGP

Le Journal : Monsieur le président Bonjour ! Cela fait très longtemps que nous avons partagé les préoccupations du monde syndical, du monde de la politique et celui de votre domaine de prédilection le monde économique. Comment vous sentez-vous ?

 

Francis Jean Jacques EVOUNA : Bonjour messieurs les éducateurs des masses et merci pour ces retrouvailles après ce long moment d’éclipse de vos colonnes. Et bien chaque jour, avant de me lever ou d’aller au lit, je dois dire ces deux mots : merci Seigneur. Je le lui dis pour ma famille, pour le corps de Christ, pour les autorités, pour mon pays.  Cela ne peut faire aucun de mal de toute façon a qui que ce soit. En réalité, cela nous apportera plus de bénédictions. Remercions donc Dieu en toutes choses et non seulement dans les meilleurs moments. Faisons l’effort de prendre l’habitude de le remercier à chaque instant, car nous devons faire montre d’une grande reconnaissance envers notre Père le Créateur divin, Elohim qui nous a créés. Nous devons nous souvenir des moments où Dieu nous a comblé de plusieurs choses comme le souffle de vie qu’il nous a tous donné. Et pour cela, nous devons le remercier. Dès lors je peux vous dire qu’il vit en moi et je ne peux que me porter comme il le veut car sans lui je ne suis rien et ne peux rien faire.

 

Le Journal : Mr le président ! Le monde des syndicats patronaux serait-il en ébullition au regard de la tonalité observée dans la salle des fêtes du Radisson Blu lors de la rencontre avec le Ministre du Commerce, des Petites et Moyennes entreprises, chargé de l’entrepreneuriat national et de l’économie sociale Porte-parole du gouvernement : M. Yves Fernand MANFOUMBI qu’accompagnait le Président de la FEG Mr Henri Claude OYIMA ainsi que les membres de son bureau et le reste du secteur Privé le 8 Février 2023 dernier ?

 

Francis Jean Jacques EVOUNA : Rires…Je ne dirais pas les choses de cette façon, les organisations patronales sont les syndicats de chefs d’entreprises. Elles défendent les intérêts de leurs membres face aux pouvoirs publics et des tiers, elles leur apportent des informations sur les avancées technologies, la formation pour le renforcement de leurs capacités opérationnelles et leur apportent aussi du conseil individualisé. Pour intégrer une organisation patronale cela peut être payant calculé sur le chiffre d’affaire ou bien l’adhésion peut tout aussi être gratuite. Le tableau n’est pas entièrement noir, mais il y a une éducation à faire et des précautions à prendre vis-à-vis de la tentation de faire de trop grandes concessions aux projets qui pourraient créer des déséquilibres dans le monde de l’entreprise de manière générale. Le danger de créer un quatrième état ou d’établir des syndicats qui finiront par dicter leurs conditions au lieu de négocier c’est ce que nous devons éviter. Le patron doit se convaincre rapidement que les rapports sociaux sont à l’ordre du jour, et que le temps est passé où il n’avait à s’occuper que de questions économiques. Si l’on en arrive pas à se comprendre et à s’entendre, il y a danger d’une lutte des classes en ce qui concerne la taille de chaque structure patronale. Arrêtons-nous donc à réfléchir sérieusement pour savoir où se trouve situé l’intérêt de chaque segment du secteur privé. 

 

Le Journal : Monsieur le Président ! Quelles sont les causes à l’origine des divergences ?

 

Francis Jean Jacques EVOUNA : Il convient plutôt de faire en sorte que chacun de nous reste dans son segment mieux encore dans sa sphère de compétence, en bonne entente et intelligence. Il faut dans ce cas se poser la question de savoir : sommes-nous dans une position de dominant et dominée ou dans la collaboration pour créer l’harmonie et la cohésion dans le monde économique ? De sages réponses et pertinentes à ces questions apporteront la paix ou nous mènerons à de plus graves conflits. Je voudrais me référer à la France qui constitue notre repère. Pour dire que les organisations patronales les plus connues en France en matière de fonctionnement économique, d’organisation structurelle voire institutionnelle entre l’Etat et le secteur privé, la vitrine restant la Chambre de Commerce sont :  Le MEDEF (Mouvement des entreprises de France), la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises), l’UPA (Union professionnelle artisanale), l’UNAPL (Union nationale des professions libérales), la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) et la jeune FEDAE (Fédération des auto-entrepreneurs). Le MEDEF et la CGPME regroupent à eux deux 1,3 millions d’adhérents, ce qui fait de ces deux organisations les plus représentatives du patronat en France et qui sont celles qui interviennent le plus dans le débat public. La salle des fêtes du Radisson Blu a eu un peu d’animation eu égard à quelques extraits de discours qui ont été prononcés par le Ministre des PME et le président de la FEG qui étaient aux antipodes des réalités du syndicalisme patronal en démocratie. Je croire qu’au Gabon chaque structure patronale a ses spécificités, le propagandisme qui consiste à distiller un message qui demande à toutes les entreprises d’adhérer dans la Fédération des Entreprises du Gabon (FEG) est d’une incohérence déconcertante, ce n’est que pure dopage psychologique, c’est une aberration, c’est illogique car ne reposant sur aucune base économique, c’est simplement incompatible. Il faut pour les autres structures patronales condamner fermement les excès de positions dominantes. En économie libérale les monopoles s’écroulent comme des châteaux de cartes. Ce n’est même pas imaginable de la part de ceux qui doivent être irréprochables en terme d’exemplarité.

 

Le Journal : Monsieur le Président ! Y-a-t-il vraiment une difficulté à fondre dans la FEG surtout que le Ministre a publiquement demandé d’adhérer à la FEG ainsi que l’a fortement expliqué et conseiller son président ?

 

Francis Jean Jacques EVOUNA : Je viens de vous donner la réponse plus haut. Comment voulez-vous mettre dans un même panier : les serpents, les rats, les scorpions, les chats, les moutons, les panthères et j’en passe ? Pour le CGP et moi-même, la FEG doit être considérée comme la tête d’un train et les autres regroupements patronaux les wagons mieux encore comme la tête de proue des organisations patronales et les autres les pièces essentielles dans leurs missions d’être des forces de propositions pour les pouvoir publics. Il nous faut savoir que la FEG est un regroupement de grandes entreprises peut-être encore les entreprises intermédiaires, s’intéresser aux TPE et aux PME est une forme de diktat incompréhensible dans le monde de l’entreprises qui n’est pas de nature à créer l’émulation chez tous les promoteurs d’entreprises ni même de permettre aux pouvoirs publics, aux décideurs du pays d’avoir une meilleure approche de la microéconomique, une meilleure information, voire, une meilleure aide à la décision. Je n’ose pas penser que c’est l’objectif poursuivi par la FEG en voulant une adhésion de masse. Pour donner du sens, de la pertinence et être du coté de la vérité en confortant mes propos que j’assume totalement, je voudrais illustrer ceux-ci par un exemple simple : la maman qui vend sa tomate au marché de Nkembo n’a pas les mêmes préoccupations qu’un tâcheron du BTP, dès lors, je pense que nous devons nous conformer aux réalités des contraintes du système d’économie libérale. A moins de nous dire que la pensée unique s’applique aussi en économie et que nos décideurs ne doivent être sensibles que pour la macroéconomie. Nous devons dire non à de tels projets qui sont à proscrire dans le nouveau modèle économique, et le nouveau modèle de croissance inclusive que les gouvernants et nous tous ensemble main dans la main devrions mettre en œuvre et qui ne laisse personne au bord de la route. Ces types de message nous amènent à l’ancien temps voire au moyen âge, c’est contre les valeurs de démocratie économique que nous imposent la nouvelle gouvernance économique mondiale.

 

Le Journal : Monsieur le président ! Que faut-il faire alors au regard du contexte économique qui est celui des dirigeants de PME ?

 

Francis Jean Jacques EVOUNA : Il nous faut nous adapter à l’évolution continuelle du monde. Cette volonté manifeste de ramer à contre-courant dans laquelle veulent nous conduire le Ministre des PME et la FEG peut mener à de l’inquiétude chez les dirigeants de PME et, en conséquence, des difficultés à réaliser efficacement leur travail, le non-paiement de la dette intérieure qui reste une préoccupation majeure pour les PME et d’ailleurs pour toutes les entreprises opérant au Gabon toutes tailles confondues. Aussi, les situations de stress vécues peuvent entraîner de la détresse psychologique ou de l’épuisement au travail, se caractérisant par des symptômes d’épuisement émotionnel (état de fatigue mentale), de cynisme (attitude de désengagement par rapport aux tâches) et de perte d’efficacité professionnelle (dévaluation du rendement). Il va sans dire qu’étant donné leur statut singulier dans l’organisation, les propriétaires-dirigeants de PME en situation de stress excessif peuvent se retrouver davantage isolés et incapables d’assumer pleinement le leadership attendu de la part de leurs divers partenaires (employés, clients, fournisseurs, bailleurs de fonds). En plus de son effet sur la motivation, cet état psychologique fragilisé peut également influencer la performance de leur entreprise, notamment en termes de capacité d’innovation, de rétention de personnel, de satisfaction de la clientèle, de rendement financier et, ultimement, sa pérennité. Or, un dirigeant de PME vivant de la détresse ou de l’épuisement au travail aura, comme tout autre travailleur, besoin de ressources. J’ai entendu le Président de la FEG s’étonné de ce qu’une entreprise de petite taille reste dans le segment PME pendant dix années et voire plus et il trouve en cela un problème ! Je me permettrais de lui rétorquer simplement que c’est dans le fait que les PME sont exclues des circuits financiers et de marchés de leur tissu économique, la législation en matière économique est devenue obsolète, il est impératif de la revisiter ! Aussi, afin de mieux comprendre quelles sont les formes d’accompagnement et les ressources sous-jacentes à leur santé et fonctionnement optimal, il importe d’abord de tracer un portrait de la situation en nous interrogeant sur la diversité et l’ampleur de leurs états de stress, d’épuisement et de motivation au travail. Il est important de pouvoir réfléchir sur un schéma qui devra illustrer ces relations à l’effet que les préoccupations des dirigeants de PME ne puissent plus occasionner de l’épuisement et affecter leur motivation au travail.

 

Le journal : Monsieur le président ! les syndicats de patrons au Gabon fonctionnent-ils de façon optimale et qu’elles sont leurs relations avec les gouvernants ? 

 

Francis Jean Jacques EVOUNA : La démocratie économique doit encore se réaliser au niveau de l’entreprise à travers quatre segments : les micro Entreprises ou TPE : ce sont les unités employant moins de 6 salariés. Les Petites Entreprises : ce sont les unités employant entre 6 et 49 salariés. Les Moyennes Entreprises : ce sont les unités employant entre 50 et 199 salariés et les Grandes Entreprises : ce sont les unités employant plus que 200 salariés. Il n’est plus besoin de remettre en question la turbulence de l’environnement d’affaires et le contexte de forte incertitude dans lequel les dirigeants de PME doivent à tous les jours prendre des décisions. Ce contexte est alimenté notamment par une concurrence de plus en plus vive et plus internationalisée, une fidélité non assurée de la clientèle conjuguée à des exigences accrues de qualité, les difficultés d’embauche et de rétention de personnel. Afin de mieux comprendre quelles sont les formes d’accompagnement et les ressources sous-jacentes à leur santé et fonctionnement optimal, il importe d’abord de tracer un portrait de la situation en nous interrogeant sur la diversité et l’ampleur de leurs états de stress, d’épuisement et de motivation au travail. Le schéma suivant illustre ces relations à l’effet que les préoccupations des dirigeants pourront occasionner de l’épuisement et affecter leur motivation au travail. Notre pays le Gabon est un pays fascinant. Pourtant année après année, je vois mon Gabon qui recule économiquement, alors qu’il dispose des atouts indéniables, ce qui entraine un malaise social dont l’origine se trouve à la frontière entre l’économique et le social. Et ce malaise doit être traité en profondeur tel que l’a instruit, SE Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, Ali BONGO ONDIMBA, au Gouvernement. Il faut vraiment être capable de comprendre le choix fait par le promoteur économique et son environnement. Je souhaite que la FEG reste à sa place de tête de proue des entreprises opérant au Gabon et les autres structures patronales les pièces essentielles pour parvenir à un Pacte PME entre la FEG et les autres patronats de PME et de faire en sorte que le gouvernement soit capable de tenir compte de la diversité en matière économique et qu’il prenne de bonnes décisions car tous nous restons de meilleures aides à la décision et de précieuses forces de propositions, ne pas agir ainsi nous conduit dans le traditionalisme. Il importe que le Gouvernement avec les forces vives de la nation organise un forum sur l’économie du pays.

 

Le journal : Monsieur le président ! Vous venez d’évoquer le traditionalisme, voulez-vous faire allusion aux pensées qui se réfèrent au passé ? Est-ce que cela tient au fait que nous refusons tout changement rapide ?

 

Francis Jean Jacques EVOUNA : Le traditionalisme que j’ai évoqué tantôt désigne une doctrine des contre-révolutionnaires qui s’opposent à la révolution et qui veulent le retour à l’ancien régime. Le traditionalisme oppose l’expérience à la raison, l’ordre au progrès, la société à l’individu, la foi au doute, la religion à la science, dans une conception figée de l’homme et du monde qui redoute et rejette toute évolution précipitée. La finalité première du traditionalisme est donc de conserver dans son état ancien la société et son système politique, ou d’imposer le retour à cet ordre ancien idéalisé quand celui-ci a été jeté à bas par des mutations brutales. Il est donc fondamentalement conservateur, voire réactionnaire, et pose en principe le refus de la modernité. Ce que je voudrais simplement dire c’est qu’il ne faut plus que certains messages nous plongent dans le traditionalisme.

 

Le Journal : Monsieur le président, votre mot de fin !

 

Francis Jean Jacques EVOUNA : Pour terminer notre aimable entretien, je voudrais paraphraser Georges Bernanos qui avait dit je cite : « Je pense depuis longtemps déjà que si un jour les méthodes de destruction de plus en plus efficaces finissent par rayer notre espèce de la planète, ce ne sera pas la cruauté qui sera la cause de notre extinction, et moins encore, bien entendu, l’indignation qu’éveille la cruauté, ni même les représailles de la vengeance qu’elle s’attire. mais la docilité, l’absence de responsabilité de l’homme moderne, son acceptation vile et servile du moindre décret public. Et j’ajoute que l’avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l’avenir, on le fait.

 

Je vous remercie.

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